N.MAVROLEO le 20 décembre 2005

PLAN

A) INTRODUCTION.

B) LES ORIGINES DE CE DEVELOPPEMENT.

C) LES ZONES DE PRODUCTION.

D) LA DESCRIPTION DES LITCHIS.

E) LA PREPARATION DE LA CAMPAGNE.

F) LES DIFFERENTS INTERVENANTS :

a) les paysans malgaches,
b) les collecteurs,
c) les stations fruitières (les exportateurs),
d) les importateurs.

G) LE CONDITIONNEMENT DES LITCHIS:

a) la réception,
b) le soufrage,
c) le tri et l’empaquetage,
d) la confection des palettes,
e) le transport,
f) la réception à MARSEILLE.

H) LES EVOLUTIONS EN COURS OU REALISEES

I) LES PERSPECTIVES.

J) CONCLUSION

Nb : participer à une campagne de litchis est pour moi un bonheur.
Je remercie Josette, Brigitte et Pascale pour ces « vacances » chaque année.
Je dédie ces lignes à Philippe : il serait fier du travail accompli.

A) INTRODUCTION :

A MADAGASCAR, TOAMASINA, qui restera toujours TAMATAVE pour moi, est la plus grande ville de la côte EST et le seul port en eau profonde où les navires peuvent accoster.

Comme pour tous ceux qui y sont nés évoquer ma ville c’est bien sûr faire ressurgir de ma mémoire mes souvenirs d’enfance auxquels les litchis sont souvent associés.

Car, dans ma jeunesse, si on attendait impatiemment la fin de l’année c’était pour les fêtes bien sûr mais aussi parce que c’était la saison des litchis. Mais à ce moment la consommation de ce fruit était essentiellement locale même si probablement quelques exportations de litchis en grappes devaient être effectuées par avion. Et personne n’imaginait alors le développement que cette exportation allait connaître au point d’être devenue essentielle dans l’économie de la région et de créer une telle effervescence dans toute la ville pendant un mois.

Une fois loin de leur ville de naissance tous les tamataviens savent que, selon la tradition, ils reviendront un jour « boire l’eau du Manangareza » un quartier de la ville où finit l’un des méandres du CANAL DES PANGALANES une lagune qui s’étire du nord au sud de la grande île sur près de 1000 kms.

Depuis 40 ans que je suis rentré ANDAFY (en France) je suis donc moi aussi revenu souvent boire à mon tour son eau mais, depuis ma retraite, ce retour aux sources s’accompagne d’une raison supplémentaire : participer fin novembre-début décembre à la campagne des litchis.
Or à chaque retour des amis ZANATANY( comme moi ce sont les « étrangers nés à MADAGASCAR ») ou métropolitains m’interrogent à ce sujet. Pour satisfaire leur curiosité et pour me faire plaisir j’ai donc décidé de tenter de décrire une campagne. Ces lignes sont tirées de ma petite expérience dans une station fruitière qui porte le doux nom de FRUITS DE CARRESSE.

Située dans le BEARN non loin de PAU, CARRESSE est le berceau de la famille TOULET dont est issu PAUL JEAN TOULET un poète connu de tous. Mais ce sont les descendants de son frère FRANCIS TOULET, un colon venu tenter sa chance à MADAGASCAR à la fin du 19éme siècle, qui m’accueillent chaque année. Au fil des générations à son sang français est venu se mêler du sang malgache bien entendu mais aussi norvégien, allemand, grec, chinois, pakistanais….et l’histoire de sa famille est si riche qu’elle mériterait une saga.

Mais pour en revenir aux litchis FRANCIS TOULET s’est en définitive fixé à BRICKAVILLE sur des terres qu’il a naturellement appelées « CARRESSE ». Or une partie des litchis exportés par cette station fruitière proviennent de cette région d’où son appellation.

Après avoir fait un tour d’horizon sur les letchis et leur environnement je vais donc tenter de décrire une « CAMPAGNE DE LITCHIS ». Pour ce faire je vais suivre leur itinéraire depuis les villages malgaches où ils sont cueillis jusqu’à la table des consommateurs européens ravis de consommer les litchis de la province de TAMATAVE mieux connus sous le label de qualité de « litchis de MADAGASCAR ».

B) LES ORIGINES DE CE DEVELOPPEMENT :

On peut avant tout s’interroger sur les raisons qui ont conduit à multiplier par 20 les exportations depuis 1987. Elles sont les suivantes :

Outre sa qualité gustative qui n’a pas d’égal le litchi de MADAGASCAR présente 4 atouts :

1) il arrive à maturité juste avant les fêtes de fin d’année au moment où la demande en fruits exotiques est la plus forte en EUROPE où débute la grisaille de l’hiver,

2) Si la main d’œuvre nécessaire pour le conditionner est importante elle est ici bon marché et les coûts de production sont minimisés,

3) le tonnage produit est conséquent ce qui permet aussi d’amortir ces coûts,

4) Bien que considéré comme « fragile » par les techniciens c’est un fruit dont la coque est solide et permet des manipulations énergiques. Car tout au long de son conditionnement les coups reçus ne manquent pas. Et ce n’est pas là une moindre qualité quand on sait les précautions onéreuses qui doivent être prises par exemple avec les pêches et les poires.

Tout cela permet d’offrir aux consommateurs européens un fruit rouge, donc festif, à un prix abordable pour la majorité d’entre eux.

C) LES ZONES DE PRODUCTION :

Au niveau de la province de TAMATAVE les 2 grandes zones de production sont :

- Au nord la région de FENERIVE mais il en arrive aussi de la cuvette de VAVATENA, de SOANIRANANA-IVONDRO, de la baie de MANOMPO voire de MAROANTSETRA au fond de la baie d’ANTONGIL.
- Au sud la région de BRICKAVILLE mais aussi ANIVORANO et même MAHANORO fournissent leurs contingents de fruits.

Ces arrivées en masse sont rendues possibles par la présence de routes en assez bon état et par des distances somme toute acceptables.

Cependant parfois la maturation intervient à quelques jours d’intervalle entre ces 2 régions ce qui pose un épineux problème pour fixer la date officielle pour le début de la campagne car le litchi est un fruit dit « non climactérique ».

Par opposition à la banane qui continue à mûrir dans les cales des bananiers ou à la poire que l’on laisse mûrir dans un panier et qui eux sont dits climactériques les letchis ont la particularité de voir stopper TOTALEMENT leur maturation aussitôt cueillis et il convient donc de veiller quand, en moyenne, ils sont jugés suffisamment mûrs et prêts à être exportés.

La date fatidique est donc proposée par le CTHT (Centre technique Horticole de TAMATAVE) mais fixée par la capitale : les ingénieurs agronomes proposent et TANANARIVE dispose car d’autres considérations de nature politico-économique interviennent aussi…..

De plus depuis quelques années des litchis en provenance de MANAKARA dans la province de FIANARANTSOA sont aussi exportés mais :

- il n’y a pas là de quai abordable par les navires et les palettes doivent y être acheminées par chaland avec les dangers que cela représente,

- ou alors elles doivent parcourir un long périple par la route jusqu’à TAMATAVE via FIANARANTSOA, ANTSIRABE et TANANARIVE dans des camions qui sont réfrigérés au départ et qui, faute de groupe électrogène, doivent être remis à bonne température à chaque étape ci-dessus.

On peut donc émettre des réserves sur la qualité des fruits une fois à destination après 3 ou 4 jours de voyage surtout quand on sait que le maintien de la chaîne du froid est primordial.

D) LA DESCRIPTION DES LITCHIS :
Quand on parle des letchis on cite tout à la fois le fruit que l’on consomme que l’arbre qui le produit l’adjonction habituelle du IER pouvant prêter à confusion.
Par ailleurs autrefois on parlait des letchis, orthographe encore admise, mais c’est sous le nom de litchis qu’ils sont désormais connus.

Pour les scientifiques le litchi de MADAGASCAR a pour nom « sapindaceae chinensis » même si en fait il existe quelques sous variétés. Et comme son nom l’indique il est originaire de CHINE et est très différent de 2 de ses cousins les plus connus qui sont :
- les RAMBOUTANS rouges aussi mais plus gros et chevelus encore appelés « les litchis chinois »,
- les LONGANIS plus petits et de couleur verte,

Le litchi (l’arbre) qui porte les litchis (fruits) en grappes est un arbre majestueux qui entre en production vers sa 6ème année et j’en connais qui doivent avoir près de 100 ans mais dont la production est alors très faible. Ils peuvent atteindre plus de 20 mètres et quand les grappes arrivent à maturité on peut penser voir un marronnier rouge en fleurs.
Leurs troncs sont de couleur brune avec des tâches blanches qui sont des moisissures qui s’y développent. Après la pluie celles-ci sont alors très glissantes et la cueillette est d’autant plus dangereuse que, contrairement aux manguiers, ses branches ne sont guère solides. On déplore chaque année des accidents.
Gamins avec les noyaux et des bois d’allumette on confectionnait des toupies et des roues pour nos petites voitures. Les plus adroits d’entre nous arrivaient aussi à tirer des sons de sa feuille coupée en deux et coincée entre leurs lèvres. Et tous nous souvenons de 2 jeux :
- « jouer à Plilippine » : c’était un pari qui consistait, à une date convenue, à être le premier à dire ce mot magique « philippine » au partenaire avec lequel on partageait des litchis jumeaux (reliés par le pédoncule),
- à faire sentir un litchi à « un novice » en prétextant une odeur particulière et à lui râper alors le bout du nez avec la coque rugueuse.

C’était puéril mais nous étions heureux !!!
La floraison intervient à compter du mois de septembre mais ce sont des arbres capricieux et de nombreuses fleurs ne sont pas synonymes d’une fructification importante car celle-ci varie beaucoup en fonction du vent et de la pluie jusqu’en novembre. Et il aussi rare qu’un même arbre soit couvert de fruits deux années de suite observation contredite par les scientifique mais confirmée par « les anciens ».
La maturation intervient vers le 15 novembre et LA CAMPAGNE DES LITCHIS peut alors commencer.

E) LA PREPARATION DE LA CAMPAGNE :

Dès la fin octobre une agitation commence à être perceptible à TAMATAVE non loin des points névralgiques : le Bazar kely (petit) où se trouvent de nombreux hôtels et restaurants pour les locaux, les banques et les stations fruitières.
Ces dernières s’activent pour terminer les derniers travaux et commencent en effet à recevoir la visite :
- des nombreux employés qui souhaitent y travailler pendant la campagne ; chacune d’elle en embauche plusieurs centaines voire plus d’un millier pour les plus importantes ;
- des collecteurs qui constituent leur réseau de ramassage des litchis et qui viennent s’inscrire ou se réinscrire (pour les plus fidèles) dans la liste des collecteurs agréés par chacune.

Mais ils sont là aussi et surtout pour obtenir des avances pour financer leurs premiers achats
Car il y a longtemps que l’argent qu’ils ont gagné lors de la précédente campagne a été dépensé. Ils en profitent également pour se précipiter dans les administrations chargées de leur délivrer les autorisations nécessaires notamment l’indispensable «carte de collecteurs » qui fait ensuite l’objet d’un indescriptible trafic entre eux.

La mécanique se met donc en route progressivement pour tourner de plus en plus vite et atteindre sa vitesse limite pendant la campagne elle-même qui va durer approximativement du 15 novembre au 15 décembre. La circulation en ville devient alors difficile et l’état de fébrilité d’abord latent devient fièvre aigue quand la campagne commence.

A partir de ce moment le mot litchi est sur toutes les bouches et toute la ville en parle ; cela est logique puisque l’importance du litchi est considérable et dépasse largement la courte période concernée car « l’argent du litchi » continuera à produire ses effets jusqu’à l’année suivante. Tout TAMATAVE bénéficie en effet de l’effet litchi : les hôtels, les restaurants, les marchés,les commerçants, les stations services, les garages et surtout les banques qui ne vont pas désemplir pendant un mois.

Bientôt partout en ville on parle, calcule, pense et rêve litchis.Les spéculations vont bon train :

- quand va réellement débuter la campagne ? le 21 ? non le 25 ? Finalement cette année ce sera le 23 après une « intervention » des importateurs au plus haut niveau car commencer autrement entraînerait l’arrivée du premier bateau à MARSEILLE un samedi et les fruits ne seraient disponibles sur les étals que le lundi un mauvais jour pour commencer leur vente….
- Le premier bateau est arrivé ! il est à quai ! les premiers chargements ont commencé…
- Quel va être le prix d’achat à l’ouverture ? Les exportateurs tentent de se mettre d’accord sur un prix et s’accordent à le fixer à hauteur de 4000 Fmg ;
- les collecteurs eux font du forcing pour en obtenir 5000 en plaidant qu’en brousse le « garabe » (panier de litchis) sera très élevé. Finalement presque partout le prix d’achat les premiers jours sera à hauteur de 900 ariary (la nouvelle monnaie qui vaut 5 Fmg) soit 4500 Fmg.

Le « bouche à oreille » fonctionne alors à plein :

- les collecteurs envisagent de bloquer le pont de l’ivoilina,
- telle station pratique un prix d’achat plus élevé,
- un camion s’est renversé à tel endroit ! tel incident s’est produit dans telle station !
- …..

Chaque évènement est ainsi colporté et amplifié à souhait et la campagne se déroule avec son lot de vérités et de contre vérités.

Mais laissons là nos « histoires de litchis » pour nous intéresser enfin à ceux qui sont les plus directement concernés : les intervenants.

F) LES INTERVENANTS :

Au cours d’une campagne de litchis les acteurs directs sont au nombre de 4 :

1er) Les paysans malgaches :

Ils représentent le premier maillon de la chaîne qui se met en place car se sont eux qui en brousse vont récolter les litchis ; la cueillette est une tâche plutôt dévolue aux hommes :

- soit ils grimpent aux arbres ce qui on l’a dit est plutôt dangereux car les branches sont fragiles et les troncs glissants après la pluie.
- Soit, pour les grappes les plus difficiles à atteindre, ils utilisent une gaule, dont l’extrémité est fendue puis écartée pour constituer comme une pince dans laquelle la grappe est glissée. Il suffit ensuite de tourner « la gaulette » ; quand la grappe se rompt elle y reste accrochée.

Les femmes prennent alors la relève ; assises sur des nattes elles égrainent les grappes. Ce geste délicat, elles le réalisent en prenant chaque fruit entre leurs doigts puis en effectuant une rotation rapide pour le détacher de la grappe en épargnant le pédoncule qui le relie à la grappe car suite à toute meurtrissure le fruit n’est plus commercialisable.

En principe chaque litchi doit être mûr et d’un calibre suffisant (de l’ordre de 30mm) ; il est aussi recommandé de ne pas les cueillir mouillés. Ils sont ensuite emballés dans des garabes, de gros paniers en osier tressé, préalablement garnis de feuilles de RAVINALA (le célèbre arbre du voyageur) ; l’objectif est double : conserver de la fraîcheur (ce qui évite la fermentation) et préserver le contenu des averses nombreuses en cette période de l’année.
Toutes ces recommandations ne sont malheureusement pas toujours respectées et les collecteurs (quand ils se sont « fait avoir ») et les réceptionnistes dans les stations découvrent parfois, lorsque les garabes sont vidés, que les fruits sont petits ou mouillés ou verts voire les trois et parfois même encore en grappe….d’où des vérifications minutieuses impérative lors de la livraison.

Ces garabes sont ensuite vendus au bord de la route aux collecteurs les plus offrants qui parfois ont acheté la récolte « sur pieds » et qui, eux aussi, ont intérêt à avoir un réseau de fournisseurs pour honorer les quotas promis aux stations fruitières.

Une ultime précision mais elle est importante : les paysans malgaches n’ont pas de compte en banque et TOUTES les transactions sont effectuées non pas en espèces sonnantes et trébuchantes (les pièces malgaches n’ont aucune valeur) mais en billets et les petites coupures sont les plus réclamées. Cette exigence fait boule de neige et génère une demande identique de la part :

- des collecteurs aux stations lors des livraisons,
- et de celles-ci à leurs banques lors des retraits.

Mais le problème de la monnaie est chronique à MADAGACAR et les banques ne peuvent donc satisfaire toutes les demandes et une lutte d’influence s’instaure à ces deux niveaux pour en obtenir le maximum.

Il faut par ailleurs signaler que des stations fruitières, et c’est le cas de FRUITS DE CARRESSE, pour avoir le maximum d’autonomie pendant la campagne ont planté des litchis en nombre et sont en quelque sorte producteurs et collecteurs également. Mais il leur faut être très vigilants car il y a des vols et parfois ils rachètent au bord du chemin leurs propres litchis !!!!
2ème) Les collecteurs :

Second maillon ils parcourent la campagne pour acheter des garabes préparés à leur intention. Officiellement on en dénombre approximativement 3500 mais probablement 5000 vont de stations en stations proposer leurs services.

Mais qui sont les collecteurs ?

En fait n’importe qui peut le devenir : l’employé de bureau ou le fonctionnaire qui prend alors ses vacances pour se faire une « gratte », le commerçants qui pense avoir plus intérêt à fermer boutique à cette période…Ce sont cependant souvent des habitués qui tout au long de l’année collectent les autres denrées classiques à MADAGASCAR telles le café, la vanille et le girofle pour ne citer que les principales.

Mais l’appât du gain génère pas mal de vocation. La plupart régularisent cette situation en demandant à l’administration une carte de collecteur qui fait ensuite l’objet d’un trafic entre eux. Des photocopies éculées circulent et de nombreux échanges sont effectués entre les collecteurs (qui restent parfois en brousse pour les achats) et leurs chauffeurs (qui se chargent des livraisons) et aussi entre collecteurs agréés et non agréés en quête d’une autorisation pour circuler.

Le plus difficile pour eux c’est de louer une camionnette ou mieux un camion ; et la loi de l’offre et de la demande jouant à plein ils paient parfois fort cher un véhicule en mauvais état de fonctionnement. De plus le parc automobile étant plus important à TANANARIVE c’est de la capitale qu’ils déferlent sur la côte est. Et les MERINA (les habitants des hauts plateaux) se sont engouffrés dans ce créneau et forment un gros contingent.

Il en est des collecteurs comme de tout commerçant :

- il y en a de gros qu’il convient de courtiser et de fidéliser pour qu’ils vous livrent toutes leurs marchandises ce d’année en année,
- et une flopée de petits qui, chaque année voire au cours d’une même campagne, changent leurs lieux de livraison au gré des prix d’achat qui leur sont proposés.

Et tous, avant le début de la campagne, ils vont faire le tour des stations fruitières pour s’inscrire dans la liste des collecteurs agréés et pour obtenir des avances. Rares sont en effet ceux qui ont économisé une partie de l’argent gagné l’année d’avant.

Faire des avances à ses collecteurs c’est donc ici presque une obligation. Celles-ci sont fonction de la fidélité du collecteur et de ses promesses en matière de livraisons annoncées.

Bien entendu c’est aussi prendre le risque soit qu’ils ne respectent pas les quotas promis soit que certains, en particulier les nouveaux inscrits, ne fassent aucune livraison chez vous mais chez un concurrent plus offrant.

La récupération des sommes prêtées est alors quasi impossible sinon à tenir à jour des listes et à « coincer » quelques années plus tard un collecteur imprudent qui a « oublié » son méfait et revient par inadvertance faire une livraison.

Mais ce système permet aussi aux stations :

- de faire des prévisions de collecte,
- de vérifier s’ils pourront répondre aux quotas qu’ils ont négociés auprès des importateurs,
- d’ouvrir ou non leur liste d’habitués à de nouveaux collecteurs.

Et si les collecteurs pendant la campagne gagnent pas mal d’argent c’est au prix d’un pénible marathon :

- difficiles négociations avec les paysans (qui les grugent aussi parfois) pour acheter des fruits puis avec les stations pour les vendre,
- problèmes incessants avec les routes et les ponts en mauvais état et avec des véhicules peu fiables,
- courses poursuites permanentes entre les lieux de production et de livraison,
- queues impressionnantes qui, les premiers jours, durent parfois près d’une journée,
- angoisses assurées quand dans les stations on leur refuse une livraison ou on leur applique un taux de déchets trop conséquent. Cette année une « collectrice » est décédée d’une crise cardiaque quand elle a appris, après avoir longuement fait la queue, que son camion entier était rejeté pour cause de qualité déplorable.

Pendant 15 jours ils dorment peu, mangent mal, pour certains ingurgitent pas mal d’alcool et au fil des jours leurs mines s’assombrit et leur santé s’en ressent et ils est temps que finisse la campagne. Mais l’appât du gain est le plus fort et l’année suivante ils seront encore plus nombreux.

 

3eme) Les exportateurs :

Le troisième maillon ce sont les exportateurs, propriétaires des stations fruitières où arrivent la collecte pour être conditionnée avant d’être exportée.
Leur nombre a aussi grandi au fil des années et on dénombre désormais près de 35. Ils sont soit des exportateurs permanents (vanille, café, girofle…) soit une fois la campagne terminée ils exercent un autre métier et c’est le cas du maire actuel qui gère également une entreprise d’enlèvement des ordures ménagères.

Ils sont bien représentatifs des commerçants de TAMATAVE et ils sont chinois, indiens, zanatany et bien entendu de plus en plus souvent malgaches notamment MERINA qui ont pris conscience de l’essor de cette production.

Eux aussi, pressés par les avances à faire aux collecteurs et par les investissements qu’ils doivent réaliser chaque année avant le début de la campagne, ils sont dans l’obligation (sauf peut-être les plus importantes) de demander des avances aux importateurs pas si fâchés d’obtempérer car cela leur permet de les tenir dans un marché où la concurrence devient de plus en plus rude. Et pendant toute la campagne le recours aux liquidités est indispensable et les comptes en banques se doivent d’être suffisamment approvisionnés.

Car régulièrement il faut passer à la banque pour faire provision de billets. Comme le franc malgache est très dévalorisé c’est par centaines de millions (et avec le maximum de petites coupures) qu’il faut en récupérer avec les risques inhérents à cette situation.

En effet dans ce pays pauvre un tel déploiement d’argent pendant une aussi courte période a généré un gangstérisme jusqu’alors ignoré et qui à nécessité le recours à des sociétés de surveillance ; et partout en ville on peut maintenant apercevoir des gardes devant les banques, les bijouteries, les hôtels parfois et aussi les stations fruitières.

Heureusement la mise sur le marché des billets en ariary (5 francs malgaches) a minimisé le stock de billets nécessaires mais les paysans malgaches et les collecteurs sont souvent perdus quand on les paye ainsi et il faut leur donner l’équivalence en francs malgaches pour les rassurer.

Pendant la campagne les stations travaillent en permanence et pratiquent les 3x8 heures ou 2x12 heures selon leur politique d’emploi. Outre les manœuvres et les trieuses qu’elles embauchent en nombre elles se doivent aussi d’avoir un personnel de confiance pour :

- tenir la caisse,
- vérifier la qualité des fruits à la réception,
- surveiller le bon déroulement des opérations dans la station,
- être présent au port où les problèmes pour l’embarquement des palettes ne manquent pas.

Pour leurs responsables aussi les soucis ne manquent pas car ils sous la pression constante du bon déroulement des opérations en cours (et il est rare que des problèmes n’interviennent pas) et des importateurs dont il convient maintenant d’aborder le rôle.

 

4ème) Les importateurs :

Au bout de la chaîne qui s’est mise en place ce sont eux qui ont passé les commandes quelques mois plus tôt.

A l’origine ce sont les grands opérateurs habituels de RUNGIS (le grand marché parisien) qui ont mis la main sur la commercialisation des litchis. Ce sont eux qui ont permis que la vente des litchis connaissent un tel essor en diversifiant le marché, essentiellement français au début, vers les autres pays car aujourd’hui c’est toute l’EUROPE de l’Ouest et nord qui en consomme. Tout le mérite de ce développement leur revient d’avoir pu et su le faire même si c’est leur métier et si cette réussite leur a permis de gagner beaucoup d’argent.
POMONA, AZ France, AGRUNORD et HELFER en font partie mais c’est avec DOLE et KATOPE que FRUITS DE CARRESSE travaille essentiellement.

L’ouverture du marché aidant et les marges bénéficiaires importantes escomptées ont cependant attisé la concurrence et celle-ci, latente au début, a fini par se faire une place au soleil qui se fait croissante : une troisième société de RUNGIS, SELECTION, est désormais également présente. Mais ce sont surtout des concurrents hollandais qui se sont mis à leur tailler des croupières en organisant une collecte parallèle avec des stations fruitières d’abord complices puis complaisantes et intéressées qui traitent avec notamment NICO SHAFT dont les bateaux initialement dits « pirates » opèrent au grand jour et ont désormais droit de cité au port de TAMATAVE.

De la campagne où ils sont récoltés aux importateurs qui les ont commandés les litchis vont maintenant « subir » un conditionnement que je vais donc maintenant tenter de résumer.

G) LE CONDITIONNEMENT DES LITCHIS :

Dans un premier temps à TAMATAVE tous les lieux propices (hangars, plaines, bureaux désaffectés) à l’installation d’une station fruitière ont été utilisés à cet effet. Mais les tonnages exportés grandissants ils se sont vite avérés trop exigus et mal adaptés pour cette utilisation. Les rues de la ville par ailleurs souvent en mauvais état n’avaient pas non plus été prévues en conséquence et autour des stations les plus mal placées la circulation était et reste encore très difficile.

Très progressivement certaines ont donc décidé de construire des locaux plus vastes et plus fonctionnels. Et c’est tout naturellement à la périphérie de la ville qu’elles se sont installées sur les routes en direction de FENERIVE et de BRICKAVILLE par lesquelles la collecte arrive.

C’est le cas de FRUITS DE CARRESSE où des locaux adaptés permettent désormais de bien organiser les zones spécifiques à chacune des 5 étapes nécessaires pour le conditionnement des litchis.

1ere) La réception :

C’est la porte ouverte aux véhicules qui viennent livrer leurs cargaisons. Après avoir patienté parfois pendant de longues heures les véhicules se positionnent dans les aires de déchargement prévues à cet effet. Les garabes sont alors déchargés et vidés dans des caisses normalisées dont le poids est affiché à l’entrée de la station de même que prix d’achat journalier des fruits.

La réception nécessite une vigilance de tous les instants de la part des contrôleurs pour :
- vérifier la qualité des fruits : maturité, calibre, fruits mouillés ou en grappe,
- veiller à ce que chaque caisse soit correctement remplie,
- comptabiliser le nombre total de caisses utilisées afin de déterminer le poids total de la livraison,
- attribuer un « pourcentage de déchets » en fonction de la qualité moyenne du lot.

Cette dernière décision est d’ailleurs attendue avec impatience par les collecteurs qui rechignent à accepter un taux toujours trop important à leurs avis et une « négociation » doit parfois intervenir.

Le pourcentage retenu sera ensuite déduit du tonnage calculé et le montant de la livraison déterminé à partir du prix au kg du litchi au moment de celle-ci. Ce dernier varie bien entendu en fonction de l’importance de la production et de l’avancement de la campagne.

Cette année les arbres étaient chargés et il a démarré à hauteur de 4500fmg (900 ariary) pour progressivement diminuer et se stabiliser à 2500 (500 ariary). La loi de l’offre et de la demande joue en effet à plein en début de campagne et par ailleurs les premiers litchis exportés étant de loin les mieux rémunérés par les importateurs l’objectif des stations est donc, lors de l’établissement des quotas à la fin de l’été précédent, d’obtenir le maximum de palettes à partir sur le premier bateau (voire le second et à la rigueur le troisième) en partance et pour y répondre elles sont prêtes à payer un prix d’achat plus élevé.

Dans un second temps les expéditions par containers sont moins « juteuses » et si elles veulent sinon maintenir du moins ne pas trop diminuer leur marge elles se doivent ensuite d’acheter moins chers les livraisons correspondantes les charges, elles, restant stables ;
D’où aussi pour les stations l’intérêt d’avoir une propre production le prix de revient des litchis de leurs plantations étant inférieur à celui du marché car il n’y a plus les intermédiaires.

Les collecteurs passent enfin à la caisse et il faut à nouveau négocier car tous ils préfèrent les billets au chèque et les petites coupures aux grosses.

Mais il faut penser à la prochaine livraison car l’aire de déchargement a été débarrassée et des caisses vides ont déjà remplacé celles chargées de litchis qui s’apprêtent à la seconde étape du conditionnement : le soufrage.

2éme) le traitement à l’anhydride sulfureux :

Autorisé en EUROPE depuis 1987 il explique largement le développement des exportations à compter de cette date car, outre une action fongicide,il évite le brunissement des fruits et surtout il permet de ralentir la dégradation naturelle que le fruit, matière vivante, va commencer à subir.
Le nombre de salles de soufrage varie selon l’importance de la station. Ce sont des salles hermétiques de 2 mètres sur cinq dans lesquelles les caisses pleines sont entassées.

Avant la fermeture des portes du soufre en poudre est déposé dans une coupelle ; dosé en conséquence il est ensuite enflammé.
Sous l’effet de l’anhydride sulfureux dégagé pendant une heure les litchis perdront leur couleur rouge pour devenir jaunes. Quand le risque d’attente au port est grand ce délai est alors porté à une heure trente. Au bout de ce laps de temps des extracteurs sont mis en route et ils rejettent l’air soufré à l’extérieur.

Pendant leur transport en atmosphère réfrigérée chaque jour ils perdront un peu de cette teinte artificielle pour recouvrer celle d’origine avant d’être vendus ; car, je le confirme, pendant les fêtes sous la grisaille de l’hiver les Européens préfèrent les fruits non seulement exotiques mais également rouges. Dans leurs têtes l’analogie avec la robe du père Noël y est sans doute pour quelque chose.
Bien entendu le dosage du soufre est réglementé et contrôlé à l’arrivée à MARSEILLE. Tout manquement est passible de pénalités et les palettes trop soufrées peuvent même être refusées ;
Mais il est aussi recommandé, entre la sortie des salles de soufrage et le stockage en atmosphère réfrigérée à bord, que les litchis ne traînent pas de trop ce qui n’est pas toujours respecté ; d’où, vu les attentes au port, la tentation de soufrer un peu plus que nécessaire. Ce qui explique que sur les étals de nos supermarchés on en découvre parfois quelques uns encore un peu jaunis. Quoi qu’en disent les spécialistes cela ne doit pas être si néfastes car les malgaches en consomment beaucoup apparemment sans dommage. En effet malgré les interdictions ils ramassent dans les poubelles les litchis soufrés qui ont fait l’objet d’un rejet lors du tri. Il s’agit là de la nouvelle étape de leur conditionnement.

3eme) Le tri et l’empaquetage:

Une à une les caisses de fruits jaunes sont alors déversées sur des tapis qui tournent et le long desquels des trieuses procèdent au rejet de ceux trop petits ou tâchés ou meurtris ; le pourcentage de fruits ainsi éliminés varie en fonction des consignes en particulier sur le calibre.

FRUITS DE CARRESSE veille particulièrement au minimum imposé même si parfois cela fait beaucoup de fruits qui rejoignent les poubelles au grand bonheur des gamins et même d’adultes à l’affût qui la nuit viennent y faire provision….
Au bout du tapis les litchis tombent dans des cartons que des ouvrières ont préalablement confectionnés en pliant soigneusement des emballages dont les stocks prennent tant de place ; chaque carton porte un N° de lot obligatoire pour la traçabilité.

Chaque année la livraison des cartons est l’un des soucis majeurs des exportateurs car elle intervient régulièrement à la dernière minute et les fausses bonnes raisons ne manquent pas pour justifier ces retards.

Pour FRUITS DE CARRESSE le fournisseur est sud-africain et à son éventuel retard s’ajoute les tracasseries des douaniers à l’affût prêts à profiter d’une telle aubaine. La lutte contre la corruption fait l’objet d’une vaste campagne dans toute l’île et elle commence à porter ses fruits ; Mais le chemin à parcourir est si long…

Devant toutes ces difficultés les responsables jurent qu’on ne les y reprendra plus. Pourtant l’an prochain ce sera la même rengaine ; mais ce sont de telles situations qui font le charme d’une campagne de litchis !!!

Pour en revenir aux carton outre leur stockage leur gestion est un vrai casse tête chinois entre :

- les cartons de 2 ou 4 kg ;
- avec ou sans maçonnites (ce sont des petits renforts utilisés pour renforcer ceux qui seront placés au bas des palettes)
- au nom de DOLE ou de KATOPE selon l’importateur concerné,
- ou de FRUITS DE CARRESSE dont il faut également faire la promotion,
- ou sous une appellation générique « litchis de MADAGASCAR » qui est parfois providentielle en cas de rupture de l’un des stocks ci-dessus.

De plus il est souhaitable de ne pas en avoir de trop car d’ici l’année prochaine l’humidité en abîmera beaucoup. Cependant le risque d’en manquer est trop grand et il faut faire pour le mieux.

Mais déjà sur les tables disposées au bout des tapis les cartons pleins s’entassent et les palettiseurs commencent leur boulot.

4ème) La confection des palettes :

C’est l’opération la plus délicate de toute la manutention car elle concerne des produits à forte valeur ajoutée. Les ouvriers les plus qualifiés y sont affectés. Ils sont aussi les mieux payés.
Sur chaque palette 204 (4kg) ou 408 (2kg) cartons pleins sont alors rangés avec précaution au millimètre près pour obtenir un équilibre parfait les routes pour les mener au port étant chaotiques et les dockers de TAMATAVE et de MARSEILLE ne sont pas réputés pour être des tendres.

Les règles pour confectionner les palettes sont très strictes :

- Aux quatre coins des cornières sont clouées pour constituer son ossature,
- en bas sur 2 ou 3 rangées des cartons renforcés par des maçonnites,
- toutes les 3 rangées un carton plat est placé comme intercalaire,
- au sommet : mise en place d’un « chapeau »
- avant que la palette ne soit cerclée à plusieurs hauteurs à l’aide de feuillards qui consolident l’ensemble.

Il reste encore à les étiqueter en apposant de façon très visible le N° qui a été attribué à la station.

 

Et c’est le chargement délicat également sur les camions qui traverseront la ville sous les regards admiratifs des Tamataviens pour les mener jusqu’au port où une dernière épreuve les attend : la queue pour y pénétrer et les tracasseries administratives normales et pourtant fastidieuses.

Après tant de manipulations nos litchis s’apprêtent à effectuer leur dernier parcours : le transport jusqu’à MARSEILLE.

5ème) Le transport par bateau :

A ce sujet une question m’interpelle : le voyage s’effectue t’il en CAF ou FOB ?
Ce sont là les 2 termes utilisés par les assureurs selon que le transfert de propriété des marchandises transportées du fournisseur (ici les exportateurs) au client (les importateurs) s’effectue au port d’embarquement (TAMATAVE) ou une fois celle-ci arrivée au port de débarquement (MARSEILLE). La différence est importante en cas d’avarie en cours de voyage (ce qui s’est déjà passé) pour déterminer qui doit supporter « les pots cassés ».
En fait il semblerait que les importateurs fassent participer les stations fruitières aux pertes enregistrées bien qu’en principe ils seraient devenus propriétaires des palettes dès l’embarquement à TAMATAVE.

Pour en revenir au transport 2 types de bateaux sont utilisés :
- les premières expéditions qui doivent arriver le plus rapidement possible à destination et qui sont les mieux rémunérées sont effectuées par des bateaux dits conventionnels : les palettes sont entreposées dans des immenses cales réfrigérées ; ces navires sont les plus rapides et ils atteignent MARSEILLE en 15 jours au maximum.
- Après 2 ou 3 envois ce sont des portes containers qui prennent la relève : les palettes sont placées dans des containers individuellement réfrigérés qui sont chargés à bord. Moins équilibrés et plus lourds ils sont donc plus lents (le voyage peut prendre 25 jours) mais les premiers letchis étant déjà mis sur le marché il n’y a plus d’urgence.

Dans les 2 cas dans une atmosphère réfrigérée les litchis perdent malheureusement une partie de leur poids au détriment de sa qualité.

Mais les Entrepôts de la JOLIETTE à MARSEILLE sont déjà en vue et la fin du voyage approche.

6ème) La réception à MARSEILLE :

Les Entrepôts 4 non loin de L’ESTAQUE sont en principe le lieu où celle-ci a lieu. Les hangars concernés sont impressionnants par leurs dimensions gigantesques. A l’intérieur une noria d’élévateurs circule à une vitesse folle et une vigilance de tous les instants est impérative pour ne pas se faire renverser. Partout on y voit des palettes de litchis consciencieusement rangées en fonction des N° des stations qui les ont expédiées. On y voit aussi quelques palettes renversées…par maladresse mais dont le contenu n’est pas perdu pour tout le monde.

Une anecdote à ce sujet : il y a 2 ans mandaté par FRUITS DE CARRESSE pour réceptionner ses palettes j’avais oublié de venir avec un document justifiant cette mission ; de peur d’être refoulé je me suis présenté dans des bureaux où j’ai raconté une salade en précisant que cette mission m’avait été confiée par ce que j’étais un assureur (c’était effectivement mon métier). Sans difficulté on m’a remis un brassard qui s’est avéré comme un sésame toutes les portes s’ouvrant à ma demande. En quête des palettes FRUITS DE CARRESSE je déambulais donc entre des amoncellements de palettes de toute provenance quand je suis tombé par mégarde sur une camionnette dans laquelle des individus (??) chargeaient des litchis tombés d’une palette malencontreusement renversée…. près d’une sortie !!!

A ma vue ils ont vite déguerpis et j’ai compris qu’on m’avait donné probablement le brassard d’un inspecteur des assurances.

Une fois ses palettes repérées les exportateurs présents ou leurs représentants attendent avec un peu d’anxiété le verdict lors des vérifications effectuées sur la teneur en soufre et sur le calibre des fruits. Celles-ci sont effectuées par sondage à partir de 2 ou 3 prélèvements dans les palettes de chaque exportateur qui souffle quand son tour est passé.
Les importateurs sont bien entendu eux aussi présents. Pour eux les soucis liés à la commercialisation des litchis vont bientôt commencer….

H) LES EVOLUTIONS EN COURS :

Chaque année les réglementations et les techniques évoluent et elles entraînent leurs lots de nouveautés et dans le domaine des litchis il m’apparaît intéressant d’en signaler 4 prévues ou déjà mises en place :

La première est à l’initiative du conseil Européen à BRUXELLES. Elle vise à améliorer l’hygiène sur un plan général dans les stations fruitières.

En effet au-delà des mesures élémentaires et obligatoires déjà rendues obligatoires par le service d’hygiène local (par exemple la présence de toilettes) elle imposera à compter du 1er janvier 2006 un système d’analyse des risques sanitaires et un contrôle sytématique aux points critiques (Système HACCP). Dans cette perspective 2 stations, dont FRUITS DE CARRESSE, ont anticipé en collaborant au PIP (Programme Initiative Pesticides) et en mettant en place des mesures telles :

 

- à l’entrée dans la station : le nettoyage systématique des mains des femmes qui sont au contact des fruits après le soufrage,
- Le port obligatoire de blouses par celles-ci,
- Le traitement préalable des palettes qui serviront au transport,
- Des préconisations particulières pour un nettoyage permanent des locaux tout au long de la campagne,
- Des consignes diverses dans le domaine de l’hygiène.

Pourtant élémentaires ces mesures représentent des contraintes et des coûts supplémentaires et seules 2 stations, dont FRUITS DE CARRESSE, ont pour le moment accepté de les mettre en oeuvre.

La seconde a été prise par un consortium regroupant des producteurs, des collecteurs et quelques stations fruitières dans le but d’améliorer la qualité des fruits en imposant des normes plus strictes (en principe) notamment au sujet du calibre minimum acceptable.

L’objectif est de satisfaire les consommateurs prêts à payer plus cher un fruit sélectionné. Il reste cependant à vérifier :

- que les marges supplémentaires escomptées seront effectivement obtenues,
- que ce marché spécifique concerne un créneau de clientèle suffisamment important pour être développé

La troisième, déjà en place lors de la campagne précédente, concerne les obligations en matière de traçabilité pour répondre également aux exigences européennes dans ce domaine. Celle-ci est appliquée dès la sortie des palettes des salles de soufrage et chaque carton est désormais identifié ce qui devrait permettre de retrouver les lots concernés en cas de problèmes.

La dernière est une innovation tentée par une station en collaboration avec le CTHT et qui consiste en un traitement des fruits à l’acide citrique : celui-ci n’a pas pour objet de supplanter le soufrage qui reste de rigueur mais de le compléter en trempant les fruits déjà soufrés dans un bain d’acide citrique ce qui leur permet, non seulement comme tous les autres de retrouver une couleur rouge au bout de leur voyage, mais que celle-ci soit encore plus vive rendant le fruit encore plus attractif lors de la vente. Si en théorie cette innovation semble présenter un intérêt il reste à vérifier si un retour sur investissement est possible car celui qu’il faut mettre en oeuvre paraît lourd.

I) LES PERSPECTIVES D’UN NOUVEAU DEVELOPPEMENT :

La commercialisation des litchis concerne un marché qui, à mon avis, reste encore prometteur.

En effet loin de nuire à celle-ci l’arrivée de nouveaux importateurs du Marché de RUNGIS va stimuler ceux en place depuis l’origine d’autant que la concurrence étrangère est désormais bien active également.

Cet élargissement doit conduire à une plus large diffusion dans l’EUROPE de L’OUEST et du NORD où certaines régions restent encore à être touchées et surtout permettre de pénétrer le nouveau marché européen élargi aux 25 pays membres dont certains consommateurs ignorent encore aujourd’hui les qualités des litchis.

Par ailleurs dans l’éventualité de nouvelles ouvertures en EUROPE il faudra pouvoir répondre à la demande en prenant en compte le caractère capricieux de ce fruit dont la production comme tous les fruits est liée aux conditions climatiques. Il serait en effet dommageable que les quotas trouvés par les importateurs ne puissent une année être honorés faute d’une production suffisante. Et j’imagine la guerre des prix, avec les risques inhérents, qui localement serait menée entre les stations fruitières pour répondre à leur demande. Les nouvelles plantations qui peuvent être aperçues notamment vers BRICKAVILLE devraient aussi à terme permettre le renouvellement d’un peuplement quelque peu vieillissant. D’autant que d’autres régions, et on l’a précisé pour MANAKARA, pourraient compenser ce handicap éventuel.

Enfin et surtout un effort doit être entrepris au sein même des exportateurs en place pour une amélioration des litchis actuellement exportés qui souffrent parfois d’une qualité pas toujours exemplaire. On peut ainsi apercevoir des fruits encore quelque peu jaunis (donc trop soufrés) sur les étals. Et la perte de poids dans les atmosphères réfrigérées ne peut expliquer le calibre si faible de certains dans les supermarchés. Cela démontre ce que tous savent : les normes minima applicables lors du tri ne sont pas retenues par certains pour minimiser le volume des déchets à jeter.

Les consommateurs sont vigilants. Il appartient aux exportateurs de l’être aussi et de faire le ménage si cela s’avère nécessaire pour sauvegarder leur poule aux œufs d’or.

J) CONCLUSION :
Mais revenons à nos litchis dans les entrepôts de MARSEILLE pour préciser que des chauffeurs impatients ont déjà commencé leurs manoeuvres pour mener leur cargaison aux quatre coins de l’EUROPE où les consommateurs les attendent.

Bientôt dans les boutiques et les supermarchés on pourra voir des litchis vendus en vrac à des clients de moins en moins interrogatifs devant ce fruit rouge et intéressés par le label « LITCHIS DE MADAGASCAR » cette île lointaine qui les fait tant rêver. Ils vont se précipiter pour en acheter ravis de s’offrir un brin d’exotisme pour quelques euros.

Le LITCHI de la province de TAMATAVE a terminé sa course poursuite et il est prêt à offrir le meilleur de lui-même.

Mais au-delà de ce goût si particulier que le consommateur européen découvre en croquant sa pulpe c’est toute la GRANDE ILE qu’il déguste. Et déjà c’est l’évasion et des rêves de voyage naissent dans sa tête pour aller à la découverte de ce pays couleur litchi : MADAGASCAR l’ILE ROUGE les attend.