N.MAVROLEO le 20 décembre 2005
PLAN A) INTRODUCTION. B) LES ORIGINES DE CE DEVELOPPEMENT. C) LES ZONES DE PRODUCTION. D) LA DESCRIPTION DES LITCHIS. E) LA PREPARATION DE LA CAMPAGNE. F) LES DIFFERENTS INTERVENANTS : a) les paysans malgaches, a) la réception, H) LES EVOLUTIONS EN COURS OU REALISEES I) LES PERSPECTIVES. J) CONCLUSION Nb : participer à une campagne de litchis est pour moi un bonheur. A) INTRODUCTION : A MADAGASCAR, TOAMASINA, qui restera toujours TAMATAVE pour moi, est la plus grande ville de la côte EST et le seul port en eau profonde où les navires peuvent accoster. Comme pour tous ceux qui y sont nés évoquer ma ville c’est bien sûr faire ressurgir de ma mémoire mes souvenirs d’enfance auxquels les litchis sont souvent associés. Car, dans ma jeunesse, si on attendait impatiemment la fin de l’année c’était pour les fêtes bien sûr mais aussi parce que c’était la saison des litchis. Mais à ce moment la consommation de ce fruit était essentiellement locale même si probablement quelques exportations de litchis en grappes devaient être effectuées par avion. Et personne n’imaginait alors le développement que cette exportation allait connaître au point d’être devenue essentielle dans l’économie de la région et de créer une telle effervescence dans toute la ville pendant un mois. Une fois loin de leur ville de naissance tous les tamataviens savent que, selon la tradition, ils reviendront un jour « boire l’eau du Manangareza » un quartier de la ville où finit l’un des méandres du CANAL DES PANGALANES une lagune qui s’étire du nord au sud de la grande île sur près de 1000 kms. Depuis 40 ans que je suis rentré ANDAFY (en France) je suis donc
moi aussi revenu souvent boire à mon tour son eau mais, depuis
ma retraite, ce retour aux sources s’accompagne d’une raison
supplémentaire : participer fin novembre-début décembre à la
campagne des litchis. Située dans le BEARN non loin de PAU, CARRESSE est le berceau de la famille TOULET dont est issu PAUL JEAN TOULET un poète connu de tous. Mais ce sont les descendants de son frère FRANCIS TOULET, un colon venu tenter sa chance à MADAGASCAR à la fin du 19éme siècle, qui m’accueillent chaque année. Au fil des générations à son sang français est venu se mêler du sang malgache bien entendu mais aussi norvégien, allemand, grec, chinois, pakistanais….et l’histoire de sa famille est si riche qu’elle mériterait une saga. Mais pour en revenir aux litchis FRANCIS TOULET s’est en définitive fixé à BRICKAVILLE sur des terres qu’il a naturellement appelées « CARRESSE ». Or une partie des litchis exportés par cette station fruitière proviennent de cette région d’où son appellation. Après avoir fait un tour d’horizon sur les letchis et leur
environnement je vais donc tenter de décrire une « CAMPAGNE
DE LITCHIS ». Pour ce faire je vais suivre leur itinéraire
depuis les villages malgaches où ils sont cueillis jusqu’à la
table des consommateurs européens ravis de consommer les litchis
de la province de TAMATAVE mieux connus sous le label de qualité de « litchis
de MADAGASCAR ». B) LES ORIGINES DE CE DEVELOPPEMENT : On peut avant tout s’interroger sur les raisons qui ont conduit à multiplier par 20 les exportations depuis 1987. Elles sont les suivantes : Outre sa qualité gustative qui n’a pas d’égal le litchi de MADAGASCAR présente 4 atouts : 1) il arrive à maturité juste avant les fêtes de fin d’année au moment où la demande en fruits exotiques est la plus forte en EUROPE où débute la grisaille de l’hiver, 2) Si la main d’œuvre nécessaire pour le conditionner est importante elle est ici bon marché et les coûts de production sont minimisés, 3) le tonnage produit est conséquent ce qui permet aussi d’amortir ces coûts, 4) Bien que considéré comme « fragile » par les techniciens c’est un fruit dont la coque est solide et permet des manipulations énergiques. Car tout au long de son conditionnement les coups reçus ne manquent pas. Et ce n’est pas là une moindre qualité quand on sait les précautions onéreuses qui doivent être prises par exemple avec les pêches et les poires. Tout cela permet d’offrir aux consommateurs européens un fruit rouge, donc festif, à un prix abordable pour la majorité d’entre eux. C) LES ZONES DE PRODUCTION : Au niveau de la province de TAMATAVE les 2 grandes zones de production sont : - Au nord la région de FENERIVE mais il en arrive aussi de la
cuvette de VAVATENA, de SOANIRANANA-IVONDRO, de la baie de MANOMPO voire
de MAROANTSETRA au fond de la baie d’ANTONGIL. Ces arrivées en masse sont rendues possibles par la présence de routes en assez bon état et par des distances somme toute acceptables. Cependant parfois la maturation intervient à quelques jours d’intervalle entre ces 2 régions ce qui pose un épineux problème pour fixer la date officielle pour le début de la campagne car le litchi est un fruit dit « non climactérique ». Par opposition à la banane qui continue à mûrir dans les cales des bananiers ou à la poire que l’on laisse mûrir dans un panier et qui eux sont dits climactériques les letchis ont la particularité de voir stopper TOTALEMENT leur maturation aussitôt cueillis et il convient donc de veiller quand, en moyenne, ils sont jugés suffisamment mûrs et prêts à être exportés. La date fatidique est donc proposée par le CTHT (Centre technique
Horticole de TAMATAVE) mais fixée par la capitale : les ingénieurs
agronomes proposent et TANANARIVE dispose car d’autres considérations
de nature politico-économique interviennent aussi….. De plus depuis quelques années des litchis en provenance de MANAKARA dans la province de FIANARANTSOA sont aussi exportés mais : - il n’y a pas là de quai abordable par les navires et les palettes doivent y être acheminées par chaland avec les dangers que cela représente, - ou alors elles doivent parcourir un long périple par la route jusqu’à TAMATAVE via FIANARANTSOA, ANTSIRABE et TANANARIVE dans des camions qui sont réfrigérés au départ et qui, faute de groupe électrogène, doivent être remis à bonne température à chaque étape ci-dessus. On peut donc émettre des réserves sur la qualité des
fruits une fois à destination après 3 ou 4 jours de voyage
surtout quand on sait que le maintien de la chaîne du froid est
primordial. D) LA DESCRIPTION DES LITCHIS : Pour les scientifiques le litchi de MADAGASCAR a pour nom « sapindaceae
chinensis » même si en fait il existe quelques sous variétés.
Et comme son nom l’indique il est originaire de CHINE et est très
différent de 2 de ses cousins les plus connus qui sont : Le litchi (l’arbre) qui porte les litchis (fruits) en grappes
est un arbre majestueux qui entre en production vers sa 6ème année
et j’en connais qui doivent avoir près de 100 ans mais dont
la production est alors très faible. Ils peuvent atteindre plus
de 20 mètres et quand les grappes arrivent à maturité on
peut penser voir un marronnier rouge en fleurs. C’était puéril mais nous étions heureux !!! E) LA PREPARATION DE LA CAMPAGNE : Dès la fin octobre une agitation commence à être
perceptible à TAMATAVE non loin des points névralgiques
: le Bazar kely (petit) où se trouvent de nombreux hôtels
et restaurants pour les locaux, les banques et les stations fruitières. Mais ils sont là aussi et surtout pour obtenir des avances pour
financer leurs premiers achats La mécanique se met donc en route progressivement pour tourner de plus en plus vite et atteindre sa vitesse limite pendant la campagne elle-même qui va durer approximativement du 15 novembre au 15 décembre. La circulation en ville devient alors difficile et l’état de fébrilité d’abord latent devient fièvre aigue quand la campagne commence. A partir de ce moment le mot litchi est sur toutes les bouches et toute la ville en parle ; cela est logique puisque l’importance du litchi est considérable et dépasse largement la courte période concernée car « l’argent du litchi » continuera à produire ses effets jusqu’à l’année suivante. Tout TAMATAVE bénéficie en effet de l’effet litchi : les hôtels, les restaurants, les marchés,les commerçants, les stations services, les garages et surtout les banques qui ne vont pas désemplir pendant un mois. Bientôt partout en ville on parle, calcule, pense et rêve litchis.Les spéculations vont bon train : - quand va réellement débuter la campagne ? le 21 ? non
le 25 ? Finalement cette année ce sera le 23 après une « intervention » des
importateurs au plus haut niveau car commencer autrement entraînerait
l’arrivée du premier bateau à MARSEILLE un samedi
et les fruits ne seraient disponibles sur les étals que le lundi
un mauvais jour pour commencer leur vente…. Le « bouche à oreille » fonctionne alors à plein : - les collecteurs envisagent de bloquer le pont de l’ivoilina, Chaque évènement est ainsi colporté et amplifié à souhait et la campagne se déroule avec son lot de vérités et de contre vérités. Mais laissons là nos « histoires de litchis » pour nous intéresser enfin à ceux qui sont les plus directement concernés : les intervenants. F) LES INTERVENANTS : Au cours d’une campagne de litchis les acteurs directs sont au nombre de 4 : 1er) Les paysans malgaches : Ils représentent le premier maillon de la chaîne qui se met en place car se sont eux qui en brousse vont récolter les litchis ; la cueillette est une tâche plutôt dévolue aux hommes : - soit ils grimpent aux arbres ce qui on l’a dit est plutôt
dangereux car les branches sont fragiles et les troncs glissants après
la pluie. Les femmes prennent alors la relève ; assises sur des nattes elles égrainent les grappes. Ce geste délicat, elles le réalisent en prenant chaque fruit entre leurs doigts puis en effectuant une rotation rapide pour le détacher de la grappe en épargnant le pédoncule qui le relie à la grappe car suite à toute meurtrissure le fruit n’est plus commercialisable. En principe chaque litchi doit être mûr et d’un calibre
suffisant (de l’ordre de 30mm) ; il est aussi recommandé de
ne pas les cueillir mouillés. Ils sont ensuite emballés
dans des garabes, de gros paniers en osier tressé, préalablement
garnis de feuilles de RAVINALA (le célèbre arbre du voyageur)
; l’objectif est double : conserver de la fraîcheur (ce qui évite
la fermentation) et préserver le contenu des averses nombreuses
en cette période de l’année. Ces garabes sont ensuite vendus au bord de la route aux collecteurs les plus offrants qui parfois ont acheté la récolte « sur pieds » et qui, eux aussi, ont intérêt à avoir un réseau de fournisseurs pour honorer les quotas promis aux stations fruitières. Une ultime précision mais elle est importante : les paysans malgaches n’ont pas de compte en banque et TOUTES les transactions sont effectuées non pas en espèces sonnantes et trébuchantes (les pièces malgaches n’ont aucune valeur) mais en billets et les petites coupures sont les plus réclamées. Cette exigence fait boule de neige et génère une demande identique de la part : - des collecteurs aux stations lors des livraisons, Mais le problème de la monnaie est chronique à MADAGACAR et les banques ne peuvent donc satisfaire toutes les demandes et une lutte d’influence s’instaure à ces deux niveaux pour en obtenir le maximum. Il faut par ailleurs signaler que des stations fruitières, et
c’est le cas de FRUITS DE CARRESSE, pour avoir le maximum d’autonomie
pendant la campagne ont planté des litchis en nombre et sont en
quelque sorte producteurs et collecteurs également. Mais il leur
faut être très vigilants car il y a des vols et parfois
ils rachètent au bord du chemin leurs propres litchis !!!! Second maillon ils parcourent la campagne pour acheter des garabes préparés à leur intention. Officiellement on en dénombre approximativement 3500 mais probablement 5000 vont de stations en stations proposer leurs services. Mais qui sont les collecteurs ? En fait n’importe qui peut le devenir : l’employé de bureau ou le fonctionnaire qui prend alors ses vacances pour se faire une « gratte », le commerçants qui pense avoir plus intérêt à fermer boutique à cette période…Ce sont cependant souvent des habitués qui tout au long de l’année collectent les autres denrées classiques à MADAGASCAR telles le café, la vanille et le girofle pour ne citer que les principales. Mais l’appât du gain génère pas mal de vocation. La plupart régularisent cette situation en demandant à l’administration une carte de collecteur qui fait ensuite l’objet d’un trafic entre eux. Des photocopies éculées circulent et de nombreux échanges sont effectués entre les collecteurs (qui restent parfois en brousse pour les achats) et leurs chauffeurs (qui se chargent des livraisons) et aussi entre collecteurs agréés et non agréés en quête d’une autorisation pour circuler. Le plus difficile pour eux c’est de louer une camionnette ou mieux
un camion ; et la loi de l’offre et de la demande jouant à plein
ils paient parfois fort cher un véhicule en mauvais état
de fonctionnement. De plus le parc automobile étant plus important à TANANARIVE
c’est de la capitale qu’ils déferlent sur la côte
est. Et les MERINA (les habitants des hauts plateaux) se sont engouffrés
dans ce créneau et forment un gros contingent. Il en est des collecteurs comme de tout commerçant : - il y en a de gros qu’il convient de courtiser et de fidéliser
pour qu’ils vous livrent toutes leurs marchandises ce d’année
en année, Et tous, avant le début de la campagne, ils vont faire le tour des stations fruitières pour s’inscrire dans la liste des collecteurs agréés et pour obtenir des avances. Rares sont en effet ceux qui ont économisé une partie de l’argent gagné l’année d’avant. Faire des avances à ses collecteurs c’est donc ici presque une obligation. Celles-ci sont fonction de la fidélité du collecteur et de ses promesses en matière de livraisons annoncées. Bien entendu c’est aussi prendre le risque soit qu’ils ne
respectent pas les quotas promis soit que certains, en particulier les
nouveaux inscrits, ne fassent aucune livraison chez vous mais chez un
concurrent plus offrant. Mais ce système permet aussi aux stations : - de faire des prévisions de collecte, Et si les collecteurs pendant la campagne gagnent pas mal d’argent c’est au prix d’un pénible marathon : - difficiles négociations avec les paysans (qui les grugent aussi
parfois) pour acheter des fruits puis avec les stations pour les vendre, Pendant 15 jours ils dorment peu, mangent mal, pour certains ingurgitent
pas mal d’alcool et au fil des jours leurs mines s’assombrit
et leur santé s’en ressent et ils est temps que finisse
la campagne. Mais l’appât du gain est le plus fort et l’année
suivante ils seront encore plus nombreux.
3eme) Les exportateurs : Le troisième maillon ce sont les exportateurs, propriétaires
des stations fruitières où arrivent la collecte pour être
conditionnée avant d’être exportée. Ils sont bien représentatifs des commerçants de TAMATAVE et ils sont chinois, indiens, zanatany et bien entendu de plus en plus souvent malgaches notamment MERINA qui ont pris conscience de l’essor de cette production. Eux aussi, pressés par les avances à faire aux collecteurs et par les investissements qu’ils doivent réaliser chaque année avant le début de la campagne, ils sont dans l’obligation (sauf peut-être les plus importantes) de demander des avances aux importateurs pas si fâchés d’obtempérer car cela leur permet de les tenir dans un marché où la concurrence devient de plus en plus rude. Et pendant toute la campagne le recours aux liquidités est indispensable et les comptes en banques se doivent d’être suffisamment approvisionnés. Car régulièrement il faut passer à la banque pour faire provision de billets. Comme le franc malgache est très dévalorisé c’est par centaines de millions (et avec le maximum de petites coupures) qu’il faut en récupérer avec les risques inhérents à cette situation. En effet dans ce pays pauvre un tel déploiement d’argent pendant une aussi courte période a généré un gangstérisme jusqu’alors ignoré et qui à nécessité le recours à des sociétés de surveillance ; et partout en ville on peut maintenant apercevoir des gardes devant les banques, les bijouteries, les hôtels parfois et aussi les stations fruitières. Heureusement la mise sur le marché des billets en ariary (5 francs malgaches) a minimisé le stock de billets nécessaires mais les paysans malgaches et les collecteurs sont souvent perdus quand on les paye ainsi et il faut leur donner l’équivalence en francs malgaches pour les rassurer. Pendant la campagne les stations travaillent en permanence et pratiquent
les 3x8 heures ou 2x12 heures selon leur politique d’emploi. Outre
les manœuvres et les trieuses qu’elles embauchent en nombre
elles se doivent aussi d’avoir un personnel de confiance pour : Pour leurs responsables aussi les soucis ne manquent pas car ils sous la pression constante du bon déroulement des opérations en cours (et il est rare que des problèmes n’interviennent pas) et des importateurs dont il convient maintenant d’aborder le rôle.
4ème) Les importateurs : Au bout de la chaîne qui s’est mise en place ce sont eux qui ont passé les commandes quelques mois plus tôt. A l’origine ce sont les grands opérateurs habituels de
RUNGIS (le grand marché parisien) qui ont mis la main sur la commercialisation
des litchis. Ce sont eux qui ont permis que la vente des litchis connaissent
un tel essor en diversifiant le marché, essentiellement français
au début, vers les autres pays car aujourd’hui c’est
toute l’EUROPE de l’Ouest et nord qui en consomme. Tout le
mérite de ce développement leur revient d’avoir pu
et su le faire même si c’est leur métier et si cette
réussite leur a permis de gagner beaucoup d’argent. L’ouverture du marché aidant et les marges bénéficiaires importantes escomptées ont cependant attisé la concurrence et celle-ci, latente au début, a fini par se faire une place au soleil qui se fait croissante : une troisième société de RUNGIS, SELECTION, est désormais également présente. Mais ce sont surtout des concurrents hollandais qui se sont mis à leur tailler des croupières en organisant une collecte parallèle avec des stations fruitières d’abord complices puis complaisantes et intéressées qui traitent avec notamment NICO SHAFT dont les bateaux initialement dits « pirates » opèrent au grand jour et ont désormais droit de cité au port de TAMATAVE. De la campagne où ils sont récoltés aux importateurs
qui les ont commandés les litchis vont maintenant « subir » un
conditionnement que je vais donc maintenant tenter de résumer. G) LE CONDITIONNEMENT DES LITCHIS : Dans un premier temps à TAMATAVE tous les lieux propices (hangars, plaines, bureaux désaffectés) à l’installation d’une station fruitière ont été utilisés à cet effet. Mais les tonnages exportés grandissants ils se sont vite avérés trop exigus et mal adaptés pour cette utilisation. Les rues de la ville par ailleurs souvent en mauvais état n’avaient pas non plus été prévues en conséquence et autour des stations les plus mal placées la circulation était et reste encore très difficile. Très progressivement certaines ont donc décidé de construire des locaux plus vastes et plus fonctionnels. Et c’est tout naturellement à la périphérie de la ville qu’elles se sont installées sur les routes en direction de FENERIVE et de BRICKAVILLE par lesquelles la collecte arrive. C’est le cas de FRUITS DE CARRESSE où des locaux adaptés
permettent désormais de bien organiser les zones spécifiques à chacune
des 5 étapes nécessaires pour le conditionnement des litchis. 1ere) La réception : C’est la porte ouverte aux véhicules qui viennent livrer leurs cargaisons. Après avoir patienté parfois pendant de longues heures les véhicules se positionnent dans les aires de déchargement prévues à cet effet. Les garabes sont alors déchargés et vidés dans des caisses normalisées dont le poids est affiché à l’entrée de la station de même que prix d’achat journalier des fruits. La réception nécessite une vigilance de tous les instants
de la part des contrôleurs pour : Cette dernière décision est d’ailleurs attendue avec impatience par les collecteurs qui rechignent à accepter un taux toujours trop important à leurs avis et une « négociation » doit parfois intervenir. Le pourcentage retenu sera ensuite déduit du tonnage calculé et le montant de la livraison déterminé à partir du prix au kg du litchi au moment de celle-ci. Ce dernier varie bien entendu en fonction de l’importance de la production et de l’avancement de la campagne. Cette année les arbres étaient chargés et il a démarré à hauteur de 4500fmg (900 ariary) pour progressivement diminuer et se stabiliser à 2500 (500 ariary). La loi de l’offre et de la demande joue en effet à plein en début de campagne et par ailleurs les premiers litchis exportés étant de loin les mieux rémunérés par les importateurs l’objectif des stations est donc, lors de l’établissement des quotas à la fin de l’été précédent, d’obtenir le maximum de palettes à partir sur le premier bateau (voire le second et à la rigueur le troisième) en partance et pour y répondre elles sont prêtes à payer un prix d’achat plus élevé. Dans un second temps les expéditions par containers sont moins « juteuses » et
si elles veulent sinon maintenir du moins ne pas trop diminuer leur marge
elles se doivent ensuite d’acheter moins chers les livraisons correspondantes
les charges, elles, restant stables ; Les collecteurs passent enfin à la caisse et il faut à nouveau négocier car tous ils préfèrent les billets au chèque et les petites coupures aux grosses. Mais il faut penser à la prochaine livraison car l’aire
de déchargement a été débarrassée
et des caisses vides ont déjà remplacé celles chargées
de litchis qui s’apprêtent à la seconde étape
du conditionnement : le soufrage. 2éme) le traitement à l’anhydride sulfureux : Autorisé en EUROPE depuis 1987 il explique largement le développement
des exportations à compter de cette date car, outre une action
fongicide,il évite le brunissement des fruits et surtout il permet
de ralentir la dégradation naturelle que le fruit, matière
vivante, va commencer à subir. Avant la fermeture des portes du soufre en poudre est déposé dans
une coupelle ; dosé en conséquence il est ensuite enflammé. Pendant leur transport en atmosphère réfrigérée
chaque jour ils perdront un peu de cette teinte artificielle pour recouvrer
celle d’origine avant d’être vendus ; car, je le confirme,
pendant les fêtes sous la grisaille de l’hiver les Européens
préfèrent les fruits non seulement exotiques mais également
rouges. Dans leurs têtes l’analogie avec la robe du père
Noël y est sans doute pour quelque chose. 3eme) Le tri et l’empaquetage: Une à une les caisses de fruits jaunes sont alors déversées
sur des tapis qui tournent et le long desquels des trieuses procèdent
au rejet de ceux trop petits ou tâchés ou meurtris ; le
pourcentage de fruits ainsi éliminés varie en fonction
des consignes en particulier sur le calibre. FRUITS DE CARRESSE veille particulièrement au minimum imposé même
si parfois cela fait beaucoup de fruits qui rejoignent les poubelles
au grand bonheur des gamins et même d’adultes à l’affût
qui la nuit viennent y faire provision…. Chaque année la livraison des cartons est l’un des soucis majeurs des exportateurs car elle intervient régulièrement à la dernière minute et les fausses bonnes raisons ne manquent pas pour justifier ces retards. Pour FRUITS DE CARRESSE le fournisseur est sud-africain et à son éventuel retard s’ajoute les tracasseries des douaniers à l’affût prêts à profiter d’une telle aubaine. La lutte contre la corruption fait l’objet d’une vaste campagne dans toute l’île et elle commence à porter ses fruits ; Mais le chemin à parcourir est si long… Devant toutes ces difficultés les responsables jurent qu’on ne les y reprendra plus. Pourtant l’an prochain ce sera la même rengaine ; mais ce sont de telles situations qui font le charme d’une campagne de litchis !!! Pour en revenir aux carton outre leur stockage leur gestion est un vrai casse tête chinois entre : - les cartons de 2 ou 4 kg ; De plus il est souhaitable de ne pas en avoir de trop car d’ici l’année prochaine l’humidité en abîmera beaucoup. Cependant le risque d’en manquer est trop grand et il faut faire pour le mieux. Mais déjà sur les tables disposées au bout des
tapis les cartons pleins s’entassent et les palettiseurs commencent
leur boulot. 4ème) La confection des palettes : C’est l’opération la plus délicate de toute
la manutention car elle concerne des produits à forte valeur ajoutée.
Les ouvriers les plus qualifiés y sont affectés. Ils sont
aussi les mieux payés. Les règles pour confectionner les palettes sont très strictes : - Aux quatre coins des cornières sont clouées pour constituer
son ossature, Il reste encore à les étiqueter en apposant de façon très visible le N° qui a été attribué à la station.
Et c’est le chargement délicat également sur les camions qui traverseront la ville sous les regards admiratifs des Tamataviens pour les mener jusqu’au port où une dernière épreuve les attend : la queue pour y pénétrer et les tracasseries administratives normales et pourtant fastidieuses. Après tant de manipulations nos litchis s’apprêtent à effectuer leur dernier parcours : le transport jusqu’à MARSEILLE. 5ème) Le transport par bateau : A ce sujet une question m’interpelle : le voyage s’effectue
t’il en CAF ou FOB ? Pour en revenir au transport 2 types de bateaux sont utilisés
: Dans les 2 cas dans une atmosphère réfrigérée les litchis perdent malheureusement une partie de leur poids au détriment de sa qualité. Mais les Entrepôts de la JOLIETTE à MARSEILLE sont déjà en vue et la fin du voyage approche. 6ème) La réception à MARSEILLE : Les Entrepôts 4 non loin de L’ESTAQUE sont en principe le lieu où celle-ci a lieu. Les hangars concernés sont impressionnants par leurs dimensions gigantesques. A l’intérieur une noria d’élévateurs circule à une vitesse folle et une vigilance de tous les instants est impérative pour ne pas se faire renverser. Partout on y voit des palettes de litchis consciencieusement rangées en fonction des N° des stations qui les ont expédiées. On y voit aussi quelques palettes renversées…par maladresse mais dont le contenu n’est pas perdu pour tout le monde. Une anecdote à ce sujet : il y a 2 ans mandaté par FRUITS DE CARRESSE pour réceptionner ses palettes j’avais oublié de venir avec un document justifiant cette mission ; de peur d’être refoulé je me suis présenté dans des bureaux où j’ai raconté une salade en précisant que cette mission m’avait été confiée par ce que j’étais un assureur (c’était effectivement mon métier). Sans difficulté on m’a remis un brassard qui s’est avéré comme un sésame toutes les portes s’ouvrant à ma demande. En quête des palettes FRUITS DE CARRESSE je déambulais donc entre des amoncellements de palettes de toute provenance quand je suis tombé par mégarde sur une camionnette dans laquelle des individus (??) chargeaient des litchis tombés d’une palette malencontreusement renversée…. près d’une sortie !!! A ma vue ils ont vite déguerpis et j’ai compris qu’on
m’avait donné probablement le brassard d’un inspecteur
des assurances. Une fois ses palettes repérées les exportateurs présents
ou leurs représentants attendent avec un peu d’anxiété le
verdict lors des vérifications effectuées sur la teneur
en soufre et sur le calibre des fruits. Celles-ci sont effectuées
par sondage à partir de 2 ou 3 prélèvements dans
les palettes de chaque exportateur qui souffle quand son tour est passé. H) LES EVOLUTIONS EN COURS : Chaque année les réglementations et les techniques évoluent et elles entraînent leurs lots de nouveautés et dans le domaine des litchis il m’apparaît intéressant d’en signaler 4 prévues ou déjà mises en place : La première est à l’initiative du conseil Européen à BRUXELLES. Elle vise à améliorer l’hygiène sur un plan général dans les stations fruitières. En effet au-delà des mesures élémentaires et obligatoires déjà rendues obligatoires par le service d’hygiène local (par exemple la présence de toilettes) elle imposera à compter du 1er janvier 2006 un système d’analyse des risques sanitaires et un contrôle sytématique aux points critiques (Système HACCP). Dans cette perspective 2 stations, dont FRUITS DE CARRESSE, ont anticipé en collaborant au PIP (Programme Initiative Pesticides) et en mettant en place des mesures telles :
- à l’entrée dans la station : le nettoyage systématique
des mains des femmes qui sont au contact des fruits après le soufrage, Pourtant élémentaires ces mesures représentent des contraintes et des coûts supplémentaires et seules 2 stations, dont FRUITS DE CARRESSE, ont pour le moment accepté de les mettre en oeuvre. La seconde a été prise par un consortium regroupant des producteurs, des collecteurs et quelques stations fruitières dans le but d’améliorer la qualité des fruits en imposant des normes plus strictes (en principe) notamment au sujet du calibre minimum acceptable. L’objectif est de satisfaire les consommateurs prêts à payer plus cher un fruit sélectionné. Il reste cependant à vérifier : - que les marges supplémentaires escomptées seront effectivement
obtenues, La troisième, déjà en place lors de la campagne précédente, concerne les obligations en matière de traçabilité pour répondre également aux exigences européennes dans ce domaine. Celle-ci est appliquée dès la sortie des palettes des salles de soufrage et chaque carton est désormais identifié ce qui devrait permettre de retrouver les lots concernés en cas de problèmes. La dernière est une innovation tentée par une station
en collaboration avec le CTHT et qui consiste en un traitement des fruits à l’acide
citrique : celui-ci n’a pas pour objet de supplanter le soufrage
qui reste de rigueur mais de le compléter en trempant les fruits
déjà soufrés dans un bain d’acide citrique
ce qui leur permet, non seulement comme tous les autres de retrouver
une couleur rouge au bout de leur voyage, mais que celle-ci soit encore
plus vive rendant le fruit encore plus attractif lors de la vente. Si
en théorie cette innovation semble présenter un intérêt
il reste à vérifier si un retour sur investissement est
possible car celui qu’il faut mettre en oeuvre paraît lourd. I) LES PERSPECTIVES D’UN NOUVEAU DEVELOPPEMENT : La commercialisation des litchis concerne un marché qui, à mon avis, reste encore prometteur. En effet loin de nuire à celle-ci l’arrivée de nouveaux importateurs du Marché de RUNGIS va stimuler ceux en place depuis l’origine d’autant que la concurrence étrangère est désormais bien active également. Cet élargissement doit conduire à une plus large diffusion dans l’EUROPE de L’OUEST et du NORD où certaines régions restent encore à être touchées et surtout permettre de pénétrer le nouveau marché européen élargi aux 25 pays membres dont certains consommateurs ignorent encore aujourd’hui les qualités des litchis. Par ailleurs dans l’éventualité de nouvelles ouvertures en EUROPE il faudra pouvoir répondre à la demande en prenant en compte le caractère capricieux de ce fruit dont la production comme tous les fruits est liée aux conditions climatiques. Il serait en effet dommageable que les quotas trouvés par les importateurs ne puissent une année être honorés faute d’une production suffisante. Et j’imagine la guerre des prix, avec les risques inhérents, qui localement serait menée entre les stations fruitières pour répondre à leur demande. Les nouvelles plantations qui peuvent être aperçues notamment vers BRICKAVILLE devraient aussi à terme permettre le renouvellement d’un peuplement quelque peu vieillissant. D’autant que d’autres régions, et on l’a précisé pour MANAKARA, pourraient compenser ce handicap éventuel. Enfin et surtout un effort doit être entrepris au sein même des exportateurs en place pour une amélioration des litchis actuellement exportés qui souffrent parfois d’une qualité pas toujours exemplaire. On peut ainsi apercevoir des fruits encore quelque peu jaunis (donc trop soufrés) sur les étals. Et la perte de poids dans les atmosphères réfrigérées ne peut expliquer le calibre si faible de certains dans les supermarchés. Cela démontre ce que tous savent : les normes minima applicables lors du tri ne sont pas retenues par certains pour minimiser le volume des déchets à jeter. Les consommateurs sont vigilants. Il appartient aux exportateurs de
l’être aussi et de faire le ménage si cela s’avère
nécessaire pour sauvegarder leur poule aux œufs d’or. J) CONCLUSION : Bientôt dans les boutiques et les supermarchés on pourra voir des litchis vendus en vrac à des clients de moins en moins interrogatifs devant ce fruit rouge et intéressés par le label « LITCHIS DE MADAGASCAR » cette île lointaine qui les fait tant rêver. Ils vont se précipiter pour en acheter ravis de s’offrir un brin d’exotisme pour quelques euros. Le LITCHI de la province de TAMATAVE a terminé sa course poursuite et il est prêt à offrir le meilleur de lui-même. Mais au-delà de ce goût si particulier que le consommateur européen découvre en croquant sa pulpe c’est toute la GRANDE ILE qu’il déguste. Et déjà c’est l’évasion et des rêves de voyage naissent dans sa tête pour aller à la découverte de ce pays couleur litchi : MADAGASCAR l’ILE ROUGE les attend. |